LE MONDE DE JULIEN - 3E PARTIE

Premier baiser
Tous les samedi matin, Julien allait jouer au foot dans le jardin d’un ami. Il y retrouvait ses copains du quartier. Il y avait Teva, Guitou qu’on appelait Fati à cause de son embonpoint, Arsène, Maui et Félix, dont le père était un homme d’affaire millionnaire, mais qui pour nous était un garçon de douze ans comme les autres.
C’est Julien, le seul popa’a pur jus de la bande qui amenait le ballon. Un vrai de vrai en cuir. Au début, il avait essayé de convaincre les autres de le laisser jouer avec ses crampons mais devant le refus général, il s’était résolu à jouer pieds nus comme tout le monde.
On jouait dans la cour d’Arsène. Par la fenêtre de son fare pinex, on apercevait la belle Mareva, sa soeur aînée. Elle avait un an de plus que nous et il ne nous avait pas échappé que ses titis naissant pointaient subrepticement sous ses corsages qui n’avaient pas suivi la poussée hormonale. Mareva comptait bien pour pour quarante pour cent dans la motivation des garçons d’aller courir chaque samedi derrière le ballon. Elle assistait souvent à leurs parties, accoudée à la fenêtre de sa chambre.
Julien nourrissait en secret un sentiment mêlé de feu et d’effroi qui lui donnait des frissons et qu’il n’aurait avoué sous aucun prétexte.
On mettait quatre grosses pierres pour délimiter les buts et la partie pouvait commencer. Trois contre trois, avec « goals volants ». c’est à dire que les gardiens pouvaient aller où ils voulaient sur le terrain et même marquer des buts.
Le jardin se trouvait en bordure de la route de ceinture (celle qui fait le tour de l’île), à la sortie d’un virage. La mère de Julien était toujours inquiète quand son fils partait au foot à vélo, à cause des voitures. "Fais attention, il a plu cette nuit et la route est encore mouillée!, lui avait-elle crié ce matin-là tandis qu’il s’éloignait.
Marcel, le chauffeur du truck Tautira-Papeete, qu’on surnommait « Hiboux » à cause des cernes noirs qui entouraient ses yeux globuleux, était parti comme chaque matin avant le lever du soleil pour faire sa tournée. Il n’y avait plus de gaz dans sa bonbonne de sorte qu’il avait dû partir sans boire son café. Ce n’était pas la première fois mais il n’aimait pas ça, conduire sans son café. Une cinquantaine de mètres avant d’arriver à la hauteur de chez Arsène, dans le virage, une voiture surgit d’un chemin. Pour l’éviter, Marcel donna un coup de volant qui déporta le truck vers le bas-côté.
Devant lui à quelques dizaines de mètres, un bande de gamins jouaient au foot. Marcel appuya à fond en même temps sur le klaxon et sur la pédale de frein. Mais le lourd bolide dérappa sur la terre humide.
En un clin d’oeil, les garçons bondirent hors de la trajectoire. Puis un fracas terrifiant les pétrifia tandis que le tombereau était stoppé net par un auguste arbre à pain qui encaissa le coup sans broncher.
Marcel, indemne, descendit de la cabine à la hâte pour aller s’enquérir de ses passagers.
Faute de ceintures, ils avaient été projetés d’un coup vers l’avant et gisaient pelle-mêle sur le placher. Après qu’ils eurent repris leurs esprits, Marcel les aida à descendre et demanda à ceux qui étaient toujours sonnés de s’asseoir ou même de s’allonger par terre.
Entre temps les parents d’Arsène étaient sortis de chez eux et allaient voir si quelqu’un avait besoin d’assistance. Heureusement, personne ne semblait blessé. Juste choqués.
Nos footballeurs regardaient ébahis la cabine encore fumante encastrée dans le tronc du tumu uru et réalisaient à quoi ils venaient d’échapper.
Mareva qui avait assisté à toute la scène de la fenêtre de sa chambre était sortie, elle aussi, pour voir de plus près la débâcle.
Julien la vit se diriger vers lui. "Viens, on va chercher des pansements!", lui dit-elle. Surpris et enchanté qu’elle l’ait choisi pour cette mission, il la suivit dans la salle de bain. C’était une petite pièce en parpaings apparents - la seule pièce "en dur" de la maison. Il y avait juste un douche, des toilettes, un lavabo et une petite étagère sur laquelle trônait un verre avec quelques brosses à dents.
- Où sont les pansements?, demanda Julien.
- Il n’y en a pas, répondit Mareva en se collant à lui.
Julien qui n’avait rien vu venir était interloqué. Son cerveau venait de se mettre en PLS.
Il sentait le corps chaud de la jeune fille collé contre le sien. Leur deux visages à un centimètre l’un de l’autre. Doucement, Mareva fit pivoter sa tête et mis ses lèvres sur celle du pré-ado. Elle faisait glisser sa langue latéralement dans la commissure. Tout à coup, Julien la sentit entrer tout entière dans sa bouche. Telle une tentacule, elle allait et venait, explorant l’antre. Reprenant ses esprits, Julien participa à ce ballet humide et intime.
L’audacieuse se retira enfin. "Reviens samedi prochain", lui lança-t-elle en riant, "nous chercherons encore des pansements!".
Les samedis suivants, il n’y eut pas plus de pansements, mais Mareva avait décidément des dons d’infirmière.
*popa’a: étranger à la peau claire
* fare pinex: maison humble en panneaux agglomérés bon marché
* titi: poitrine
* truck: bus à la carrosserie en bois de construction locale
* tumu uru: arbre à pain
Lire la suite (Jeux interdits)